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lundi 22 février 2010

Georges Pérec "La vie mode d'emploi" (extrait)


"Dinteville, 3
La salle de bains attenant à la chambre du Docteur Dinteville. Au fond, par la porte entrouverte, on aperçoit un lit couvert d’un plaid écossais, une commode en bois noir laqué et un piano droit dont le pupitre porte une partition ouverte : une transcription des Danses de Hans Neusiedler. Au pied du lit il y a des mules à semelles de bois ; sur la commode, un ouvrage volumineux relié en cuir blanc, le grand dictionnaire de cuisine, d’Alexandre Dumas et, dans une coupe de verre, des modèles de cristallographie, pièces de bois minutieusement taillées reproduisant quelques formes holoèdres et hémièdres des systèmes cristallins : le prisme droit à base hexagonale, le prisme oblique à base rhombe, le cube épointé, le cubo-octaèdre, le cubo-dodécaèdre, le dodécaèdre rhomboïdal, le prisme hexagonal pyramidé. Au-dessus du lit est accroché un tableau signé D.Bidou : il représente une toute jeune fille, allongée à plat ventre dans une prairie, elle écosse des petits pois ; à côté d’elle un petit chien, un briquet d’Artois aux longues oreilles et au museau allongé, est sagement assis, la langue pendante, le regard bon. Le sol de la salle de bains est couvert de tommettes hexagonales ; les murs sont carrelés de blanc jusqu’à mi-hauteur, le reste étant tendu d’un papier lavable, jaune clair rayé de stries vert d’eau. A côté de la baignoire, partiellement masquée par un rideau de douche en nylon d’un blanc un peu sale, est disposée une jardinière de fer forgé contenant quelques touffes chétives d’une plante verte aux feuilles finement veinées de jaune. Sur la tablette du lavabo, on voit plusieurs accessoires et produits de toilette : un rasoir de type coupe-chou, gainé de galuchat, une brosse à ongles, une pierre ponce, et un flacon de lotion contre la chute des cheveux sur l’étiquette duquel une sorte de Falstaff hirsute, hilare et ventripotent étale avantageusement une barbe rousse exagérément fournie, sous l’œil, plus étonné qu’amusé, de deux joyeuses commères dont les poitrines généreuses débordent de corsages aux lacets relâchés. Sur le porte-serviette à côté du lavabo est négligemment jeté un pantalon de pyjama bleu foncé.
Le Docteur Dinteville avait reçu une formation tout à fait classique : une enfance ennuyeuse et soignée, quelque chose de sinistre et de contrit, des études à la faculté de Caen, les farces de carabin, le service militaire à l’Hôpital de la Marine à Toulon, une thèse hâtivement rédigée par des étudiants mal payés sur les Fréquences dyspnéiques dans la tétralogie de Fallot. Considérations étiologiques à propos de sept observations, quelques remplacements et la reprise, vers la fin des années cinquante, d’un cabinet de généraliste que son prédécesseur avait occupé quarante sept ans d’affilée. Dinteville n’était pas ambitieux et se satisfaisait amplement à l’idée qu’il deviendrait tout simplement un bon médecin de province, un homme que tout le monde dans la petite ville appellerait le bon Docteur Dinteville Raffin, et qui saurait rassurer ses clients rien qu’en leur faisant « Dites 33 » . "
Tous droits réservés © Editions Hachette (1978)

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